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Construire en bois -2/5- Choix du bois

Article paru dans Sport Aviation

Dans le numéro de décembre 1998 de Sport Aviation, quartier et dosse.resizedj’ai commencé une étude sur le bois aéronautique. Le bois est un matériau utilisé sur un grand nombre d’aéronefs d’une manière ou d’une autre. Plusieurs avions en kit sont entièrement construits en bois, tandis que d’autres n’en comportent que quelques éléments à des fins esthétiques. De nombreux avions anciens et classiques ont été fabriqués avec des longerons et des nervures en bois, ou, à tout le moins, avec des lisses en bois formant le fuselage.

En raison de l’utilisation intensive du bois dans tous les types d’aéronefs, il est nécessaire d’examiner en détail tout ce qui est impliqué dans le choix du bois, que ce soit pour une construction initiale ou pour un remplacement.

Pour rappel, l’épicéa de Sitka est la référence reconnue pour un bois de qualité aéronautique. D’autres bois de substitution ont été précédemment évoqués, tels que le sapin de Douglas, le pin blanc et lWestern Hemlock. Chacun possède ses avantages et ses inconvénients. L’épicéa est généralement le bois préféré par le constructeur amateur d’avion, mais il est souvent difficile à se procurer. Passons brièvement en revue les exigences légales concernant les matériaux utilisés dans un avion certifié de type (avion de série) et dans un avion expérimental.

sciages-sur-dosse-et-quartier.resizedPour réparer ou remplacer un élément en bois sur un avion de série, il faut pouvoir tracer l’origine du matériau. En d’autres termes, si vous utilisez une pièce brute de bois, comme l’épicéa, pour fabriquer un longeron, l’origine de ce bois doit être connue. Cela peut se faire en obtenant une copie du certificat de scierie attestant que la pièce a été classée conformément à une spécification militaire — Mil Spec 6073. Ce document constitue une preuve suffisante de provenance. Le mécanicien (IA) qui remettra l’avion en service après la réparation du longeron certifiera que la pièce de bois utilisée a été correctement inspectée et qu’elle est en état de navigabilité. En général le fournisseur de bois ne certifiera pas celui-ci comme étant de qualité aéronautique.

Pour les avions expérimentaux, qui sont exemptés de la partie 23 des FAR (normes de navigabilité), le constructeur amateur peut légalement utiliser n’importe quel matériau pour construire un avion. CEPENDANT, la prudence et le bon sens doivent primer. Le constructeur d’un avion de type amateur devrait utiliser la même qualité de bois que celle requise pour un avion de série. Aucune preuve d’origine n’est exigée. En réalité, il est possible d’acheter le bois destiné à un avion dans une scierie ou un magasin de bois local. Cela se fait souvent, mais la prudence est de mise. Il faut connaître le type de bois acheté ainsi que sa qualité. Acheter auprès d’un fournisseur de matériel aéronautique garantit que le bois répond à la spécification Mil Spec 6073 et qu’il est du type approprié.

Le constructeur amateur devrait choisir et inspecter le bois destiné à son appareil comme si sa vie en dépendait, car c’est effectivement le cas.

Traçons les grandes lignes sur la manière de correctement sélectionner et inspecter le bois destiné à tous types d’aéronefs.

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Remarquez la légère différence de couleur entre le sapin (plus foncé) et l’épicéa.

Il n’existe pas une abondance d’informations facilement accessibles concernant le bois de qualité aéronautique. Quelques bons articles ont été publiés, tels que la série parue dans l’EAA Experimenter rédigée par Bob Whittier. Cette série a commencé en avril 1996. Je la recommanderais certainement à titre de lecture.

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Bois à fil sur plat

Peut-être que la meilleure publication disponible est un bulletin gouvernemental intitulé ANC-19. Je ne pense pas qu’il ait été imprimé depuis quelque temps, mais il est disponible par l’intermédiaire du service d’information de l’EAA. Ce bulletin a été publié par un sous-comité gouvernemental sur la conception d’aéronefs militaires et civils, en collaboration avec le Forest Products Laboratory. Il a été publié pour la première fois en avril 1951. C’est un guide très complet pour l’inspection du bois. Une publication complémentaire, ANC-18, est également disponible. Elle traite des résistances du bois et de la conception des structures aéronautiques en bois. Je recommanderais l’ANC-19 comme étant la plus bénéfique pour le constructeur amateur.

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Exemple de poche de résine.

La spécification militaire n°6073 a vu le jour en novembre 1945 sous le numéro AN-S-6b. Ce numéro a été remplacé par Mil Spec 6073 en mars 1950. L’armée exigeait que le bois utilisé dans ses aéronefs respecte les spécifications définies dans le 6073. Cette spécification ne concerne que l’épicéa et ne s’applique pas directement aux autres types de bois. Toutefois, elle fournit le guide le plus complet pour inspecter tout type de bois destiné à un aéronef. La Mil Spec 6073 renvoie également à l’ANC-19 dans son contenu. Si vous utilisez les deux publications ensemble, elles fourniront des critères d’inspection adéquats. La circulaire consultative de la FAA 43-13 apporte également des informations complémentaires concernant le bois aéronautique.

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Exemple de bois de coeur et d’aubier sur la même planche.

En tant que constructeur ou restaurateur d’un aéronef, vous êtes principalement responsable de vous assurer que le bois approprié est intégré dans votre avion. Ne comptez pas uniquement sur le fournisseur de pièces aéronautiques ou sur le fabricant du kit. Même s’ils inspectent soigneusement le bois avant expédition, vous devez connaître les exigences nécessaires pour un bois de qualité aéronautique. Si vous achetez dans une scierie ou un magasin de bois local, le processus d’inspection devient encore plus crucial.

Poursuivons avec une étude détaillée sur l’identification et l’inspection correctes du bois aéronautique.

 

IDENTIFICATION DES TYPES DE BOIS

Il est souvent difficile de distinguer les différents types de bois disponibles pour une utilisation dans votre aéronef. Nous devons en grande partie compter sur le fournisseur du matériau pour identifier correctement le type de bois. Les personnes qui travaillent quotidiennement le bois peuvent facilement faire la distinction entre les essences. Il vous sera néanmoins avantageux de comprendre les caractéristiques générales utilisées pour une identification correcte, même si elles sont souvent employées à tort. Ces caractéristiques sont répertoriées dans l’ANC-19. La plupart ne sont pas déterminantes, comme vous allez le voir. Elles sont présentées comme méthode possible d’identification et pour illustrer la confusion qui peut souvent exister lorsqu’on identifie des types de bois.

 

COULEUR

La couleur est souvent suffisante pour l’identification, mais elle n’est pas infaillible. La couleur d’une pièce de bois varie selon la quantité d’humidité, l’exposition à la lumière, la dégradation naturelle, etc. La couleur peut même varier au sein d’un même type de bois. C’est un point intéressant à noter et qui peut constituer une information utile lors de l’inspection du bois.

Il existe trois zones distinctes dans une bille de bois typique. La première est l’écorce, la suivante est un bois clair appelé aubier et la troisième zone est appelée duramen. Le duramen se trouve dans les parties internes de la bille et est généralement plus foncé. Dans l’épicéa de Sitka, l’aubier est normalement blanc et le duramen brun rougeâtre pâle. L’aubier constitue habituellement une petite partie du bois scié à partir de l’épicéa et du sapin. Il n’existe aucune différence de résistance entre le duramen et l’aubier. Si vous rencontrez un tel contraste de couleur, comme montré sur l’image ci-jointe, cela ne devrait avoir aucun effet sur la résistance du bois.

 

ODEUR ET GOÛT

Certains types de bois, comme le sapin, possèdent une odeur caractéristique. Si vous êtes familier avec cette odeur ou si vous pouvez la comparer à des échantillons connus, cette méthode d’identification peut être utile. Le goût est généralement très similaire à l’odeur. Sachez toutefois que ni l’odeur ni le goût ne peuvent servir à identifier avec précision les types de bois.

 

POIDS

Il n’existe pas de poids spécifique pouvant être attribué à un type de bois particulier. Il varie même au sein d’un même type. Comme il est impossible d’attribuer avec précision un poids déterminé, on utilise souvent la densité spécifique pour décrire un bois comme étant léger ou lourd. La densité spécifique est définie comme le rapport entre le poids d’un corps et celui d’un volume égal d’eau à une température standard. La densité spécifique peut être difficile à calculer, c’est pourquoi on lui substitue souvent le poids par pied cube. La Mil Spec 6073 autorise l’utilisation du poids par pied cube. Comme vous pouvez le constater, le poids n’est pas un critère précis pour déterminer un type de bois.

 

DURETÉ

Cette méthode de classification du bois a été utilisée au fil des années. Vous avez peut-être entendu des spécialistes du bois en parler. La dureté du bois signifie simplement sa résistance à la coupe ou à l’empreinte. Certains types de bois sont réputés plus durs que d’autres. En réalité, la dureté du bois est fortement influencée par sa teneur en humidité et sa densité. Cela en fait également une méthode inexacte d’identification.

Ainsi, si toutes ces méthodes d’identification du bois sont imprécises, comment savoir ce que vous achetez ? La réponse est que vous devez compter sur le fournisseur. Une copie du certificat de scierie doit permettre de déterminer avec certitude l’essence. L’ANC-19 fournit une grande quantité d’informations sur l’identification des types de bois. Les experts travaillant quotidiennement le bois trouvent cela facile ; vous et moi, non. L’objectif de cette étude est de s’assurer que vous savez exactement ce que vous mettez dans votre avion.

Ne prenez aucun risque avec des bois qui ne sont pas adaptés à un usage aéronautique.

 

INSPECTION DU BOIS

Une fois que vous avez confirmé que vous utilisez bien le type de bois approprié, l’étape suivante consiste à inspecter la pièce pour détecter d’éventuels défauts. Il faut comprendre que nous parlons ici de bois destiné à un élément structural majeur, tel qu’un longeron d’aile. Les composants non critiques ne doivent pas nécessairement répondre aux exigences strictes qui vont être décrites. Il faut également garder à l’esprit qu’il est très rare de trouver une pièce de bois parfaite.

L’ANC-19 indique, à propos de la qualité du bois aéronautique :

«L’importance de certains défauts ou imperfections est souvent exagérée, entraînant un rejet inutile de matériaux appropriés. De plus, puisque les effets des défauts dépendent non seulement de leur nature et de leur taille mais aussi de leur emplacement dans la pièce et du type et de l’ampleur des contraintes auxquelles la pièce est soumise, il est à la fois possible et pratique d’admettre certains défauts.»

Comme indiqué précédemment, nous disposons de deux références de base pour l’inspection du bois destiné à nos avions : la Mil Spec 6073 et le bulletin ANC-19. La Mil Spec 6073 a été rédigée spécifiquement pour trois types d’épicéa : le Sitka, le rouge et le blanc. D’autres essences sont abordées dans l’ANC-19. Notre discussion se concentrera sur la Mil Spec 6073, en l’utilisant comme guide pour inspecter tous les types de bois avant leur installation dans un aéronef.

En règle générale, lorsqu’un classificateur de bois inspecte une livraison conformément à la Mil Spec 6073, chaque pièce doit être évaluée en fonction des défauts. Cependant, une seule planche sur vingt doit être évaluée pour la densité spécifique et la teneur en humidité. Si un échantillon répond aux exigences, les 19 autres n’ont pas besoin d’être testés. Chacun des échantillons évalués est ensuite soumis à un test supplémentaire de fragilité. Nous définirons et étudierons la fragilité plus loin.

 

TENEUR EN HUMIDITÉ
fig3.resizedLa spécification exige que le bois soit soit séché à l’air soit séché au four, jusqu’à ce que la teneur en humidité se situe entre 8 et 12 %. C’est la teneur nécessaire pour respecter la Mil Spec au moment où la livraison quitte la scierie. Évidemment, le bois ne conservera pas cette teneur lorsqu’il arrivera en Arizona ou en Floride. Le bois perd ou absorbe de l’humidité en fonction de l’atmosphère environnante, jusqu’à ce que l’humidité ambiante s’équilibre avec celle du bois. Le bois se rétracte lorsqu’il perd de l’humidité et gonfle lorsqu’il en gagne. L’ANC-19 fournit un tableau permettant de déterminer la rétraction en fonction de la teneur en humidité.
Par exemple, une perte de 5 % d’humidité équivaut à une rétraction de moins de 1,5 %.
Vous pouvez déterminer la teneur en humidité d’une pièce de bois en pesant et en séchant un échantillon. La procédure est expliquée dans l’ANC-19. Seul problème : il faudra couper environ 60 cm (2 pieds) de votre longeron pour réaliser l’essai. Il n’existe pas de méthode simple pour déterminer la teneur en humidité du bois. Et même si vous la déterminez, vous ne pouvez pas faire grand-chose pour la modifier. Lorsque vous vernissez une pièce de bois, vous emprisonnez la majeure partie de l’humidité qu’elle contient à ce moment-là.

 

FIL DU BOIS — SCIAGE SUR DOSSE OU SUR QUARTIER

Vous avez probablement déjà entendu parler de bois sur quartier ou de bois à fil vertical. Lors du choix du bois pour votre avion, prêtez attention à cette exigence. À l’inspection, vous rencontrerez deux types de coupes : le sciage sur quartier et le sciage sur dosse. Vous voudrez que la pièce soit sciée sur quartier.
Une pièce à fil sur chant  est définie comme celle où les cernes annuels forment un angle de 45° ou plus avec la face la plus large de la planche. Une pièce à fil sur plat est celle où cet angle est inférieur à 45°. Le bois à fil sur chant se rétracte et gonfle moins que le bois à fil sur plat lorsque la teneur en humidité varie. Autrement dit, un longeron changera moins de dimensions avec les variations d’humidité si le bois est à fil vertical sur chant. Pour un longeron plein, les exigences précisent que le bois doit être à fil sur chant sur au moins les 2/3 de la profondeur des deux faces verticales.

 

INCLINAISON DU FIL

L’inclinaison du fil dans un longeron est souvent appelée «fil en biais». Il s’agit simplement d’un écart des cernes annuels par rapport au parallélisme lorsque l’on regarde la face de la planche. La Mil Spec 6073 fixe l’inclinaison maximale à 1 unité sur 15. En clair, sur une section de 38 cm (15″), l’inclinaison du fil ne doit pas dépasser 2,5 cm (1″).
C’est particulièrement important dans les zones extérieures du longeron — en particulier dans le huitième extérieur de la profondeur. Des déviations locales peuvent dépasser cette limite, comme une ondulation du fil. Tant qu’elles sont isolées, elles ne devraient pas affecter la résistance. Toutefois, l’inclinaison générale ne doit pas dépasser 1 sur 15.

Un fil ondulé ou irrégulier est assez courant et autorisé, tant qu’il ne s’étend pas sur plus d’un quart de la largeur de la face de la planche, et ce, à un seul endroit tous les 1,20 m (4 pieds) de longueur. Ces directives s’appliquent à l’épicéa et aux autres bois alternatifs pouvant convenir à un usage aéronautique.

 

CERNE ANNUELS PAR POUCE

Le nombre de cernes de croissance annuels par pouce (2,54 cm) doit être mesuré et comparé au minimum requis.

  • Pour l’épicéa de Sitka : au moins 6 cernes par pouce.

  • Pour le western hemlock et le pin blanc : également au moins 6 par pouce.

  • Pour le sapin de Douglas : au moins 8 par pouce.

Ces mesures se prennent dans la direction radiale sur chaque extrémité de la planche. La mesure sur la face longitudinale est correcte tant que la pièce est réellement à fil sur chant.
Gardez à l’esprit que le nombre de cernes par pouce n’est pas un critère absolu de résistance et varie selon le type de bois. Vous devriez vous interroger sur l’utilisation du bois comme longeron si, à un endroit quelconque de la pièce, le nombre de cernes est inférieur au minimum requis.

 

POCHES DE RÉSINE ET POCHES D’ÉCORCE

Les poches de résine sont de petites ouvertures en forme de lentille situées dans un cerne annuel. Elles sont généralement plus longues que larges, parfois longues de plusieurs centimètres, et peuvent contenir de la résine. Elles sont courantes dans l’épicéa et le sapin. Une poche d’écorce est une zone d’écorce enfermée dans le bois. Elle ressemble à une poche de résine mais est généralement plus petite. Ces deux types de poches peuvent affaiblir le bois.

La Mil Spec 6073 stipule qu’une poche de résine ou d’écorce doit être espacée d’au moins 30 cm (12″) dans le sens longitudinal et que le produit de sa largeur par sa longueur ne doit pas dépasser 1/4 de pouce carré. S’il y en a plus d’une dans une surface d’un pied carré, la somme des produits ne doit pas dépasser 1 pouce carré.

L’ANC-19 précise encore :

  • Profondeur ≤1/8 de la largeur du longeron

  • Largeur ≤ 1/4 de pouce ou 1/8 de la largeur (le plus petit des deux)

  • Longueur ≤ 5 cm (2″) ou 4× sa distance au coin du longeron (le plus petit des deux)

  • Écart minimal entre deux poches sur la même face : la longueur de la plus courte poche

Si cela vous semble complexe, voici une règle simplifiée :

  • Profondeur ≤ 1/8″

  • Largeur ≤ 1/4″

  • Longueur ≤ 2″

  • Espacement ≥ 12″

Si vous devez calculer plus que cela, il est préférable de réexaminer la planche et de décider si vous voulez vraiment l’utiliser.

 

VEINES DE RÉSINE

Une veine de résine ne doit pas dépasser 1/2 pouce (1,27 cm) de largeur. Elle peut apparaître sous la forme d’une strie sombre dans le bois. Si plusieurs veines sont présentes, la largeur totale de toutes les veines ne doit pas dépasser 10 % de la largeur de la face sur laquelle elles apparaissent.

Les autres défauts courants que l’on peut trouver dans le bois seront présentés le mois prochain. Comme vous pouvez le constater, l’inspection du bois peut être relativement complexe. Elle est cependant indispensable afin que les éléments structuraux de votre aéronef soient fabriqués à partir de bois de haute qualité.

Un des avantages de l’achat auprès d’un fournisseur de matériel aéronautique est qu’il inspecte le bois avant expédition. Ces fournisseurs connaissent bien les exigences que nous venons d’examiner et, en général, ne livreront pas une pièce de bois si elle ne répond pas ou ne dépasse pas ces spécifications.

Le mois prochain, nous compléterons les exigences d’inspection nécessaires pour garantir que vous utilisez le bois approprié dans votre avion.

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