Arnold AR-5 – tirer le plus possible de 65 cheveaux
Le 30 août 1992, à 8h15 du matin, par un chaud dimanche matin, j’ai piloté l’AR-5 sur le circuit de trois kilomètres au nord de Davis, en Californie, à une vitesse de 213,18 mph (environ 343 km/h), établissant ainsi un nouveau record mondial de vitesse dans la catégorie FAI C1aO (moins de 300 kg de masse maximale). Quelle sensation incroyable !
Ce n’était pas tant le vol en lui-même… J’étais tellement préoccupé à l’idée qu’un problème survienne que je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’en profiter pleinement. C’est plutôt après coup, petit à petit, que j’ai réalisé que je l’avais vraiment fait ! Après toutes ces années, j’avais enfin appris suffisamment pour concevoir et construire un avion à partir de rien… et il était assez performant pour battre un record du monde. Une sensation grisante, vraiment ! Je recommande cette expérience à tous ceux qui ont un jour rêvé de faire quelque chose de similaire.
Depuis que je suis enfant, je rêve de faire cela. J’ai construit d’innombrables maquettes, m’imaginant assis dans ces minuscules cockpits, en train d’enchaîner les virages à fort facteur de charge et les tonneaux de victoire. C’était toujours un petit chasseur, jamais un bombardier, et je voulais être celui qui le concevait.
Au fil des années, j’ai passé des centaines d’heures à réfléchir et méditer devant des photos de Me 109, Spitfires, Bearcats, KI-84, P-51 et C-205… tous ces avions magnifiques, coûteux, de véritables bolides aériens que j’adorais quand j’étais gosse. Leurs lignes sont gravées dans mon subconscient depuis près d’un demi-siècle.
J’ai aussi rassemblé toutes les informations techniques que je pouvais trouver (et comprendre) ayant un lien avec la conception et la construction d’un avion à aile basse, monomoteur, performant, puis j’ai mûri tout cela pendant des années. C’est un miracle que je sois encore capable d’en parler.
À la fin des années 70, je n’en pouvais plus. J’avais été dans l’armée, obtenu mon diplôme universitaire, et j’étais employé dans le métier que j’avais choisi, mais je passais mon temps à griffonner des avions. En 1978, j’ai quitté un excellent poste de cinéaste et j’ai pris la route du désert de Mojave pour apprendre les matériaux composites auprès de Fred Jiran, dans son atelier de réparation de planeurs.
Fred est reconnu pour avoir initié Burt Rutan aux techniques de mousse et de fibre de verre développées par les concepteurs de planeurs allemands, permettant de construire des prototypes sans moules. À cette époque, Fred fabriquait toutes les pièces préfabriquées du nouveau VariEze. J’avais apporté une section d’aile d’essai que j’avais construite et qui me posait des problèmes. Fred, trop occupé pour répondre à mes innombrables questions, m’a embauché pour construire un fuselage de VariEze ainsi que quelques ailes moulées et préfabriquées.
J’ai beaucoup appris et j’ai pu étudier de près tous les planeurs les plus récents, mais cela n’a duré qu’environ six mois… trop de sable brûlant, trop de vent, et trop de choses piquantes dans le coin, pour moi. Mais depuis, je n’ai jamais cessé de concevoir et de fabriquer des pièces d’avion. Merci, Fred. Et merci, Burt, de nous avoir montré toutes ces méthodes simples pour construire des avions en composites.
La plupart de mon travail a porté sur les prototypes en développement d’autres personnes et la majorité d’entre eux n’ont pas vraiment rencontré de succès jusqu’à présent. Mais… ça a été amusant.
À la fin de l’année 1981, j’ai commencé à dessiner l’AR-5 en me disant que, s’il s’avérait être une réussite, je pourrais vendre les plans comme le faisait Burt Rutan. Même si je ne voyais pas un grand marché pour un monoplace léger, cela pourrait au moins m’aider à financer le prototype. À l’époque, la responsabilité produit commençait à devenir un vrai problème, mais j’étais convaincu que le bon sens finirait par l’emporter et que les tribunaux remettraient rapidement de l’ordre dans tout ça.
J’ai construit le fuselage et l’empennage en 1982, puis je les ai mis de côté un moment en attendant des avancées côté moteurs. Au moment où j’ai lancé la conception, on parlait de rumeurs concernant des Onan turbo compressés délivrant 35 chevaux, et j’ai dessiné l’avant du fuselage pour un moteur de cette taille, en espérant qu’un moteur plus performant finirait par arriver. Les années ont passé, et beaucoup de moteurs prometteurs sont apparus… puis ont disparu. J’ai dessiné des capots pour des Aero Motion Twins, des Pong Dragons, des demi-Volkswagen, et finalement… des DEUX TEMPS.
Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter les deux temps. Je suis un pur et dur des quatre temps, et j’avais vu les débuts chaotiques des moteurs ultralégers. Ce n’était pas très rassurant. Il y avait toujours quelqu’un pour tomber du ciel de temps en temps. Mais petit à petit, les choses semblaient s’améliorer, et quand le Rotax est apparu comme le plus fiable du lot, j’ai fini par dessiner un capot pour lui. Le résultat n’était pas mal du tout. Plus je regardais ce moteur, plus il m’intéressait. Il semblait que, avec un peu de travail, je pourrais caser le système d’échappement sous le capot ; le reste du moteur avait la bonne taille, et son poids était parfait. Et en plus, ce moteur à refroidissement liquide développait 65 chevaux ! J’étais euphorique.
Je me suis vite rendu compte qu’il faudrait renforcer la cellule pour encaisser la vitesse supplémentaire, ce qui ajouterait du poids… et qu’il faudrait donc encore la renforcer pour supporter ce poids supplémentaire, et ainsi de suite. Mais les performances que j’avais sur le papier étaient trop séduisantes pour être ignorées. Ça allait être un vrai petit chasseur !
À peu près au moment où l’avion était sur son train d’atterrissage, Mark Brown a présenté son magnifique Star-Lite équipé d’un Rotax 503. Là, on commençait à avancer. Voilà enfin quelque chose qui ressemblait à un vrai avion, et Mark affirmait que le moteur tenait le coup. Peut-être que je n’étais pas si fou, après tout. Et les Avid Flyer et les Kitfox semblaient bien s’en sortir avec le Rotax 532 à refroidissement liquide.
J’ai acheté mon 532 à la fin de 1987. L’AR-5 a effectué son premier vol au début de 1992. Les essais en vol et le développement se sont déroulés assez sereinement. Aucun problème avec la cellule. Ce sont le refroidissement et les hélices qui ont pris le plus de temps. Aujourd’hui, c’est un compagnon de week-end fiable, et il exécute de magnifiques tonneaux de victoire.
J’ai enfin mon chasseur !

Il s’est avéré, cependant, que j’avais été un peu trop optimiste en pensant que les tribunaux allaient remettre de l’ordre dans tout ça. La responsabilité légale est aujourd’hui un problème plus grave que jamais. J’écoute des histoires d’horreur à ce sujet depuis dix ans, et j’ai peur de vendre des plans. Peut-être qu’un jour les choses changeront et que je trouverai le courage de me lancer, mais en attendant, je me limite à vendre quelques cassettes vidéo sur le processus unique de conception et de construction.
Quatre vidéos sont disponibles pour le moment. Nous prévoyons de continuer à en produire tant que les gens resteront intéressés.
A PROPOS DE L’AR-5
L’AR-5 est un avion de sport (et non un avion de course), d’une taille approximativement équivalente à celle d’un Midget Mustang… avec un fuselage un peu plus court et environ un pied et demi (45 cm) de plus en envergure à chaque aile. Il paraît plus grand lorsqu’il est stationné à côté de l’avion de Kit Sodergren sur la ligne de vol. Il est aussi plus haut.
Avec le démarreur, l’alternateur, la batterie, le liquide de refroidissement et l’équipement radio, mais sans pilote ni carburant, il pesait 488 livres sur les balances certifiées que nous avons utilisées pour les officiels de la NAA. Avec l’excellente hélice de record 50×70 de Craig Cato, dans des conditions de vol normales et quotidiennes, il peut croiser entre 165 mph TAS (3 gallons par heure) et 175 mph (4 gallons par heure – les deux-temps sont gourmands).
Il donne une impression de solidité et de stabilité en vol. Les efforts aux commande sont légèrs à modérés et bien harmonisés et le taux de roulis est élevé. Le décrochage survient vers 56 mph en configuration lisse et 53 mph avec les volets complètement sortis. La pente en finale est assez raide, et tous les atterrissages se sont déroulés sans incident. C’est un vrai nounours au sol.
Le train principal large à ressorts télescopiques et le grand gouvernail fonctionnent très bien. Je vole par tous les temps et j’ai rarement eu besoin d’utiliser les freins pour rester en sécurité. Il me rappelle mon vieux Aeronca 7AC au décollage et à l’atterrissage. Les volets sortent à 100 mph et je fais la finale à environ 80 mph. La visibilité en vol est excellente mais, comme dans n’importe quel avion de chasse, le pilote ne peut pas voir directement devant le nez quand la queue est basse, donc je fais des atterrissages deux points queue haute et j’essaie de lever la queue rapidement au roulage pour le décollage. Comme le capot est très étroit (pas de cylindres qui dépassent sur les côtés), je n’ai pas besoin de faire beaucoup de virages en S sur le taxiway pour voir où je vais. La capacité en carburant est de 12 gallons, ce qui me donne une autonomie de 500 miles avec 45 minutes de réserve. Mieux qu’un Me 109 !
L’avion monte à un taux de 1000 à 1200 pieds par minute à 115 mph avec l’hélice de vitesse de Craig, mais à une vitesse inférieure, le régime moteur tombe en dessous de la plage de puissance du Rotax et le taux de montée diminue. Le roulage au décollage n’est pas très impressionnant… surtout lors de ces journées à 90 degrés (Fahrenheit) qu’on a par ici. Le régime statique avec l’hélice de course n’est que de 4400 tr/min, ce qui, selon le manuel, correspond tout au plus à environ 40 chevaux. Je peux encore décoller et atterrir sur des pistes de 2000 pieds, mais l’ascension à 1500 fpm que j’obtenais avec la première hélice me manque. Elle ne dépassait pas les 175 mph en vitesse de pointe, mais j’adorais l’accélération. Le son et la sensation me rappelaient les bateaux hors-bord que je conduisais quand j’étais enfant. Rien de violent… juste une poussée étonnamment forte et douce. Je veux retrouver ça. Il me faut une hélice constant speed.
L’avion est extrêmement silencieux au décollage ou lorsqu’il passe au-dessus. Le silencieux d’origine du Rotax fonctionne très bien, et le recouvrir d’un isolant élimine tous ces petits bruits métalliques que j’ai toujours associés aux moteurs deux temps.
À l’intérieur, c’est une autre histoire. En dessous de 5800 tr/min, il ne fait que bourdonner, mais au-dessus de 5800, ça devient carrément bruyant. Comme 5800 tr/min correspondent à 175 mph ou plus, et marquent le haut de la plage de croisière recommandée (max puissance continue), je passe la majorité de mon temps à des régimes plus bas. Le cockpit est très confortable. Je mesure presque six pieds (environ 1,83 m) et je me cogne rarement la tête en cas de turbulences, je ne me suis jamais senti à l’étroit ou confiné. Les dimensions intérieures sont similaires à celles d’un VariEze.
Le moteur est un Rotax 582 d’origine, sans modifications internes. Je consomme du super sans plomb Chevron et de l’huile Red Line Kart (synthétique). Je n’ai jamais démonté la culasse, mais nous avons dû modifier le système d’échappement pour qu’il rentre dans le capot. Bien que nous ayons essayé de conserver autant que possible les composants et les dimensions du système d’origine, nous avons dû rendre une partie du conduit de section ovale au lieu de ronde, et je soupçonne que nous ne développons pas toute la puissance nominale de 65 chevaux. Le moteur semble néanmoins bien fonctionner. Je vole depuis un an et demi maintenant, d’abord avec le 532 pendant que nous réglions les problèmes d’installation et de refroidissement, puis avec le 582 depuis environ 40 heures. J’avais environ 175 heures sur la cellule en octobre (1992).
Alors pourquoi cet avion « presque grandeur nature », au nez arrondi et au train fixe, affiche-t-il de si bonnes performances avec si peu de puissance ? Grâce à une traînée faible, bien sûr. Il a un coefficient de traînée d’environ 0,016. Très faible. Il présente une surface équivalente de traînée plaque plane de 0,88 pied carré. Très réduite. Mais comment est-ce possible ?
Voici ce que j’en pense :
D’abord, il est lisse. J’ai utilisé les mêmes techniques de finition que Burt Rutan pour ses designs VariEze/Long-EZ, et comme lui, j’ai utilisé des profils laminaires et prêté attention aux formes et aux interstices.
Mais l’AR-5 est presque aussi grand qu’un VariEze, et il vole aussi vite que le plus rapide des modèles équipés d’un O-235 que je connaisse — et il le fait avec moitié moins de puissance. Une surface « sans défaut » c’est bien, mais ça n’explique pas tout.
Ensuite, il est léger. C’est surtout grâce au moteur, qui est très léger. Contrairement à ce qu’on entend parfois, les cellules en mousse et fibre de verre sont plus lourdes que celles en bois ou en métal, surtout si on leur donne une belle finition. L’AR-5 a probablement environ 30 livres (13-14 kg) de peinture et de mastic. Il est peut-être 150 livres (environ 68 kg) plus léger qu’un VariEze. C’est significatif, certes, mais ça ne suffit toujours pas à tout expliquer. Si on enlevait 150 livres à un VariEze, pourrait-il passer les radars à 213 mph avec seulement 65 chevaux ? Peut-être, mais je pense qu’il y a autre chose.
J’ai battu le record détenu par un pilote autrichien qui volait sur un BD-5 à ailes raccourcies, équipé d’un Rotax 582. Il était soutenu par l’usine Rotax, donc je suis sûr que son moteur délivrait toute sa puissance nominale, et le BD-5 est un petit avion très profilé, à train rentrant, probablement aussi léger que l’AR-5. Je l’ai dépassé de 13 mph sans recourir à aucun artifice de vitesse, à part laver les insectes du fuselage. Être léger aide, mais ce n’est pas tout. Alors, qu’est-ce qui fait vraiment la différence ?
Je pense que c’est la faible traînée d’interférence qui fait la différence.
La réduction de la traînée d’interférence, telle que je l’ai appliquée, va au-delà de la simple réduction des interférences entre les couches limites dans les angles. Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’agencer l’aile, le fuselage et la verrière de manière à créer une sorte de « loi des aires du pauvre », comme feu John Thorp l’aurait appelée. J’ai passé beaucoup de temps à déplacer les éléments sur les plans d’ensemble, à soigner les raccords d’emplanture d’aile, à positionner avec précision les éléments indispensables comme la verrière (et même les carénages de train et de roue), et à redessiner le fuselage lui-même. Quand on s’y prend bien, on peut réduire la traînée de la combinaison aile/fuselage, et c’est ce que je pense avoir réussi avec l’AR-5. Je crois que j’ai visé juste, à peu près. La traînée de gaz d’échappement qui se forme sur le côté du fuselage, au-dessus de l’emplanture, est remarquablement droite. J’adore cette traînée d’échappement.
Je me suis rendu compte, après toutes ces manipulations sur la planche à dessin, que la forme qui en résultait se prêtait particulièrement bien à un type de construction unique, qui m’a permis de fabriquer le fuselage en le découpant au fil chaud, de la même manière que Burt découpait les ailes du VariEze. Pas besoin de courbes complexes à sculpter. En fait, très peu de sculpture de mousse tout court. La forme du fuselage émerge presque automatiquement. Les panneaux sandwichs de 0,4 pouce d’épaisseur, qui constituent la majeure partie de la structure principale, sont tous découpés à la forme et à l’épaisseur voulues avec le bon vieux fil chaud. Plutôt astucieux !
C’est ce concept aérodynamique et structurel que je compte aborder dans les vidéos. Ce principe de réduction de la traînée d’interférence (et la méthode simple de construction de fuselage qui l’accompagne) peut être appliqué à n’importe quel design.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été frustré par la difficulté de trouver des données de performance fiables sur les avions de construction amateur. Nous, les constructeurs amateurs, sommes un peu comme des pêcheurs : on a tendance à exagérer un peu. Aucun de nous n’aime admettre que son avion est trop lourd, ou qu’il ne va pas aussi vite qu’on l’aurait espéré, alors on triche un peu quand on en parle. J’ai essayé de résister à ces impulsions de « récit de pêche » en compilant les données pour cet article, et je pense que mes chiffres sont exacts, mais j’invite à la remise en question. Aidez-moi à rester honnête. Demandez aux gars qui volent avec moi. Vérifiez le poids et la vitesse auprès de la NAA (National Aeronautic Association). Ou venez voler à mes côtés.
Et puisqu’on parle de défis… l’AR-5 s’est révélé être un excellent petit avion de combat, exactement comme je l’avais espéré quand j’étais gamin. J’ai déjà quelques victoires contre des Midget Mustang à mon actif.
Envie d’un peu de combat tournoyant avec moi ?
Comparaisons
J’ai tiré ces informations du manuel du propriétaire du VariEze. J’ai supposé une puissance de 105 chevaux pour le Continental O-200, car tout le monde les fait tourner à un régime plus élevé que prévu. La plupart des VariEze pèsent entre 630 et 660 livres. Les plus rapides atteignent 200 mph. Le VariEze a une surface frontale légèrement plus importante en raison des réservoirs épais en forme de saillie (strakes). Les deux avions ont un train principal fixe. Le VariEze possède une roulette de nez rétractable, tandis que l’AR-5 a une petite roulette de queue fixe.

La traînée du VariEze est d’environ 158 livres. Celle de l’AR-5 est de 97 livres. Il est difficile d’attribuer toute cette différence à la traînée liée au refroidissement, bien que je sois sûr que l’AR-5 en ait un peu moins. Je pense qu’une partie de cette différence vient de la traînée d’interférence. C’est un facteur important sur un avion déjà très profilé. Mon estimation approximative est que sa seule réduction a pu ajouter 10 mph à ma vitesse maximale.
Mike Arnold, novembre 1992 (Sport Aviation Magazine, janvier 1993)