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Construire en bois -3/5- VÉRIFICATION du bois

Article paru dans Sport Aviation

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Figure 1 – Bois de compression (à gauche), bois normal (à droite).
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Figure 2 – Rupture en compression Western Hemlock.

Ce mois-ci, je vais poursuivre la série d’articles consacrés au bois aéronautique.
Pour rappel, l’épicéa (ou spruce) de Sitka est le bois de référence utilisé dans la construction aéronautique. D’autres essences peuvent constituer des alternatives valables à l’épicéa, telles que le sapin de Douglas, le pin blanc et la Western Hemlock. Quel que soit le bois choisi par le constructeur ou le restaurateur d’aéronef, il faut veiller à ce que le type utilisé soit correct et que sa qualité soit conforme.

Comme je l’ai indiqué le mois dernier, il est difficile pour un néophyte de déterminer quel type de bois elle utilise. Le constructeur doit, dans la plupart des cas, se fier au fabricant du kit ou au fournisseur aéronautique. Les personnes qui travaillent régulièrement le bois peuvent facilement distinguer l’épicéa, le sapin, l’Hemlock et le pin blanc. La plupart d’entre nous ne le peuvent pas.

Nous pouvons toutefois inspecter minutieusement le bois afin de détecter les défauts et imperfections. Le Bulletin gouvernemental ANC-19 définit un défaut dans le bois comme : «Toute irrégularité susceptible de réduire sa résistance.»

Une imperfection n’est qu’un défaut esthétique qui n’affecte pas la résistance du bois. La spécification militaire 6073 définit les défauts tolérés dans l’épicéa. Le Bulletin gouvernemental ANC-19 développe davantage ces défauts et explique comment les détecter. Si vous êtes un constructeur sérieux travaillant le bois, je vous recommande vivement de vous procurer ces deux documents.

Les points d’inspection suivants ont déjà été abordés : teneur en humidité, défauts de fil, poches de résine et veines de résine. Vous trouverez des informations détaillées sur ces points dans le numéro de janvier de Sport Aviation.

En résumé, la teneur en humidité du bois aéronautique doit se situer entre 8 et 12 %. Le bois répondant à la spécification militaire 6073 contiendra la bonne teneur en humidité lorsqu’il quittera la scierie. La teneur en humidité influence effectivement la résistance du bois.

Les défauts de fil concernent notamment la pente du fil, qui ne doit pas dépasser 1 sur 15. Le nombre de cernes par pouce est un autre critère lié au fil. Pour l’épicéa de Sitka, il ne doit pas y avoir moins de six cernes par pouce. Cette valeur s’applique également au pin blanc et au Westerm Hemlock. Pour le sapin de Douglas, la restriction est de huit cernes par pouce.

Les poches de résine sont des ouvertures situées à l’intérieur d’un cerne annuel. Elles ne doivent pas dépasser 1/8″ de profondeur, 1/4″ de largeur, ni 2″ de longueur. Toutes les poches de résine doivent être espacées de plus de 12″. Les traînées de résine ne doivent pas dépasser 1/2″ de largeur.

Nous allons maintenant poursuivre notre étude sur les défauts du bois et la façon de les identifier correctement. Je rappelle que nous parlons ici de la vérification de bois destiné à être utilisé dans la structure primaire d’un aéronef. Certains de ces défauts peuvent être tolérés dans des zones non structurelles, lorsque la résistance n’est pas un critère.

 

BOIS DE COMPRESSION

Le bois de compression est souvent appelé bois à fil dur. La spécification militaire 6073 stipule que le bois de compression, sous forme de traînées de plus d’un demi-pouce de largeur, n’est pas autorisé.

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Figure 3 – Cernes en compression tangencielle..

Le bois de compression présente généralement des cernes annuels relativement larges et prend, une fois sec, une teinte jaunâtre ou légèrement brunâtre. On le trouve le plus souvent sous forme de traînées de bois plus foncé, alternant avec des traînées de bois normal.

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Figure 4 – Cernes en compression radiale.

Le bois normal, lui, présente habituellement des cernes plus étroits. Les propriétés mécaniques du bois de compression sont inférieures à celles du bois normal, en particulier en ce qui concerne la rigidité et la résistance aux chocs.

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Figure 5 – Cernes en compression transversale.

Le bois de compression se brise par rupture cassante, plutôt qu’en produisant des éclats.

Encore une fois, le bois de compression est toléré sous forme de traînées tant qu’elles ne dépassent pas 1/2″ de largeur. La figure 1 montre un exemple de bois de compression. Le bois de compression ne doit pas être confondu avec la rupture en compression. La rupture en compression est un défaut beaucoup plus grave que nous allons traité maintenant.

 

RUPTURE EN COMPRESSION

La rupture en compression peut poser un sérieux problème au constructeur d’aéronefs. Elle n’est pas autorisée dans le bois de qualité aéronautique. Ce qui la rend particulièrement problématique, c’est qu’elle est souvent difficile à détecter.

La rupture en compression se définit comme une déformation ou un flambage des fibres du bois, résultant d’une contrainte de compression importante dans le sens du fil. Elle peut être identifiée par la présence de rides à la surface de la planche. Ces rides peuvent être très marquées et visibles à l’œil nu, ou au contraire se présenter sous forme d’un léger froissement, visible seulement au microscope. La rupture en compression survient lorsque les arbres sont fortement pliés par le vent ou la neige ou, plus souvent, lors de l’abattage. Si l’arbre tombe sur un autre tronc ou un obstacle, le défaut peut se produire. Une manutention brutale des grumes peut également provoquer ce problème.

Ce défaut réduit fortement la résistance aux chocs et la résistance en flexion du bois. Même sous une faible charge, une pièce présentant une rupture en compression se fracturera complètement à travers le fil. C’est pourquoi un bois suspecté de rupture en compression ne doit jamais être utilisé dans la structure primaire d’un aéronef.

Pour vérifier, on peut utiliser une source de lumière concentrée et observer la zone suspecte sous un angle de 45 à 90° par rapport au fil. La rupture apparaîtra comme une ligne irrégulière traversant le fil du bois.
(Voir Figure 2 pour un exemple.)

 

MANQUE DE BOIS

Le manque de bois se définit comme l’absence de matière ou la présence d’écorce sur un bord ou un coin d’une pièce. Lors de l’inspection d’un longeron, le bois ne doit pas présenter de pente excessive ni de perte de matière sur un coin ou un bord. Ce défaut est facile à repérer : on voit parfois de l’écorce à la place du bois plein. Ce n’est pas acceptable et n’est pas permis sur un longeron car cela affaiblirait visiblement la pièce. Cela peut donner l’impression que le bois a été biseauté à l’excès, alors qu’en réalité, il manque de la matière à cet endroit.

 

NOEUDS

Un nœud dans une pièce de bois pose des problèmes évidents : il provoque une distorsion et une discontinuité du fil, ce qui affaiblit le bois. En séchant, le nœud se rétracte plus que le bois environnant, ce qui peut le desserrer et le faire tomber. Les nœuds sont également indésirables d’un point de vue esthétique.

Un nœud est en fait la base d’une branche incluse dans le tronc. Une branche morte finit par se détacher ; la cicatrisation forme ensuite du bois clair autour de l’emplacement. Avec l’augmentation du diamètre du tronc, les distorsions du fil causées par les nœuds diminuent jusqu’à disparition du défaut. C’est pourquoi on peut voir un nœud se réduire dans une pièce de bois.

Un nœud coupé en travers est appelé nœud rond. Un nœud coupé dans le sens de la longueur est appelé nœud en pointe. 

 

Critères pour le bois de longeron (Mil Spec 6073)

Large face sur bois à fil plat (flat grain) → nœud rond :

  • diamètre ≤ 1/2 po
  • somme des diamètres dans 1 pi² ≤ 1 po
  • Large face sur bois à fil sur chant (edge grain) → nœud en pointe :
  • diamètre ≤ 1/4 po
  • Arête → aucun nœud permis

 

Mesure des nœuds

Faut-il mesurer uniquement le nœud ou inclure la distorsion du fil autour ?
Selon l’ANC-19, seul le nœud lui-même doit être mesuré. La zone environnante est difficile à mesurer précisément, car on ne sait pas clairement où elle commence ou finit. Le bois autour du nœud a tendance à s’incliner à partir de celui-ci. Comme le nœud est facile à identifier, ses dimensions seules doivent être utilisées pour déterminer si le longeron est acceptable.

 

Fragilité

La fragilité du bois résulte de son exposition à des températures extrêmes. Un bois fragile est souvent qualifié de bois cassant. Il se brise soudainement et complètement avec une faible déflexion, sans produire d’échardes, et présente une très faible résistance aux chocs. Un tel bois n’est évidemment pas acceptable dans une structure d’aéronef.

La fragilité est aussi difficile à observer. En principe, elle ne devrait pas poser de problème au constructeur amateur, car elle doit être détectée à la scierie avant expédition vers un fabricant de kits ou un fournisseur aéronautique.

Il est important de rappeler que nous parlons ici de bois fourni par des spécialistes de l’aviation, et non de celui trouvé dans une quincaillerie ou une scierie grand public. Si vous achetez du bois de longeron dans une scierie non spécialisée, vous devez bien comprendre les caractéristiques du bois et savoir l’inspecter.

Pour mémoire : le bois fourni par les grands distributeurs aéronautiques est classé par le scieur et certifié conforme à la norme Mil Spec 6073. Cette norme impose au contrôleur professionnel du scieur de tester au hasard la fragilité d’une planche sur vingt. Si l’un de ces échantillons échoue au test, chaque pièce du lot est ensuite examinée individuellement et acceptée ou rejetée selon ce critère. Le bois trouvé localement est rarement testé pour ce problème.

 

Veines noires (ou rouges)

Les veines noires dans le bois ressemblent à des poches de résine par leur forme, mais elles sont généralement remplies d’une substance sombre. Souvent, on trouve une petite cavité résultant de la présence de larves ou d’asticots ayant vécu sous l’écorce. À partir de cette cavité, on observe généralement une fine couche de tissu noirâtre qui se prolonge verticalement dans les deux directions et n’occupe qu’une petite partie de l’épaisseur d’un cerne annuel. Vue de profil, cette couche apparaît comme une fine ligne noire légèrement plus large qu’un cerne de croissance. Cette combinaison de tissu sombre et de cavité est appelée veine noire.

Les veines noires sont permises. Cependant, si la cavité de larve est présente, elle est limitée aux mêmes dimensions qu’une poche de résine.

En inspection de longeron :

  • Veine noire visible → acceptable
  • Cavité sombre ressemblant à une poche de résine → mesurer selon les critères des poches de résine
  • Cernes indentés

Plus vous lirez sur ces défauts, plus vous réaliserez que beaucoup sont difficiles à détecter pour un constructeur amateur. Les cernes indentés en sont un bon exemple, et ils sont assez fréquents sur l’épicéa de Sitka.

Figure 6 / Griffes d’ours.

Une variante courante est appelée griffes d’ours, car elles ressemblent à des griffures sur la large face de la planche (voir Figure 3). Ces marques sont considérées comme des imperfections esthétiques et non comme des défauts structurels : elles sont donc acceptables et n’affectent pas la résistance mécanique du bois. Les griffes d’ours sont facilement visibles et peuvent inquiéter un constructeur inexpérimenté. Elles ne doivent pas être confondues avec le fil ondé :

  • Le fil ondé couvre généralement une plus grande surface
  • Les griffes d’ours apparaissent en général de manière aléatoire
  • Le fil ondé se présente comme de petites vagues localisées dans le fil
  • Les griffes d’ours traversent le fil sans le suivre

Le fil ondé ou irrégulier est courant et autorisé tant qu’il ne couvre pas plus du quart de la largeur de la face de la planche, et ce pas plus d’une fois tous les 1,2 m (4 pieds) de longueur.

 

Fentes de cœur

Une fente de coeur est une fissure longitudinale dans une pièce de bois qui apparaît entre deux cernes annuels. Cette fissure n’est pas à l’intérieur d’un cerne, mais correspond à une séparation réelle dans le sens du fil entre les cernes de croissance. Ces fissurent se forment dans le bois vert, c’est-à-dire dans l’arbre vivant, et ne sont pas dues à une manutention brutale.
Elles sont peu fréquentes, mais tout bois présentant ce défaut doit être rejeté.

 

Fentes complète

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Figure 7 – Fentes et gerces.

Les fentes complètes résultent soit d’une manutention brutale, soit d’une contrainte mécanique imposée au bois. Une telle fente s’étend généralement sur toute l’épaisseur de la pièce. Elles peuvent apparaître n’importe où dans le bois et constituent toujours un motif de rejet.

 

Gerces 

Les gerces sont des fissures longitudinales dans le bois qui traversent les cernes annuels. Elles sont généralement causées par un retrait inégal du bois lors du séchage.

 

RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS

l’inspection du bois est un travail exigeant dont l’importance ne peut être sousestimée.

Acheter du bois ailleurs que chez un fournisseur aéronautique ou un fabricant de kits doit se faire avec prudence :

  • Les fournisseurs pour l’aviation reçoivent du bois conforme aux normes et l’inspectent à nouveau.
  • Les fabricants de kits connaissent parfaitement les critères de contrôle.
  • Les scieries et magasins de bricolage vendent à des clients qui ne construisent pas des avions et leurs bois n’ont souvent pas subi ces contrôles spécifiques.
  • Si votre bois a été inspecté au sciage puis réinspecté par le fournisseur aéronautique, il y a de fortes chances qu’il soit exempt de la plupart des défauts décrits.

Le mois prochain, présentation d’une méthode simple de test de résistance développée par Wayne Ison (Tennessee Engineering and Manufacturing, Inc. – TEAM).
Ce test, utilisable par tout constructeur amateur, permet de vérifier si un bois suspect répond aux exigences de résistance mécanique pour un usage aéronautique.

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